vendredi 26 juin 2015

Blancs vs Noirs


Je viens de terminer la lecture de Pièges et sacrifices de Roger Smith. Un auteur sud-africain de plus à mon compteur. Ce polar fraîchement publié par Calmann-Lévy était l'occasion de s'y intéresser. Et je ne l'ai pas regretté, même si je garde quelques réserves.

Sacrifices est le titre original. Et ce mot suffit presque à résumer l'histoire.
Mikael et Beverley Lane vivent en compagnie de leur fils Chris dans une belle propriété des Newlands, une banlieue blanche et huppée du Cap. Au fond du jardin, ils hébergent leur bonne Denise Solomons et sa fille Louise. Le fils Lyndall, banni du foyer, est un toxico accroc au tik et converti depuis peu à l'islam. Un paumé de plus qui tombe à pic ce soir-là dans la propriété des Lane. Chris, abruti gonflé aux stéroïdes, vient d'assassiner une jeune fille et c'est Lyndall qui portera le chapeau. Pas question pour sa mère qu'il croupisse en tôle. L'affaire est pliée et liquidée par un mensonge de Blancs respectables. Lyndall crève en prison et Chris poursuit sa carrière de rugbyman.

Qui oserait remettre en cause leur témoignage ? Mais la culpabilité et le poids des mensonges, certains enfouis depuis longtemps, vont ronger Mike. Difficile de masquer la vérité à Louise avec qui il s'est parfois comporté comme un père. Difficile de manipuler la sœur de Lyndall qui comprend vite que son frère paiera le prix fort  pour protéger leur unique rejeton. Lyndall sera le premier sacrifice dans cette sale affaire. Au fil des pages, saison après saison, Louise s'acharne à rétablir la justice, à sa façon, celle que lui enseigne son père.
"Rappelle-toi, il y a une loi pour eux, les Blancs, et  une autre pour nous. " Alors ils doivent payer. D'une façon ou d'une autre. De sa main ou de celle du Destin, d'autres sacrifices suivront.

Desseins machiavéliques de la jeune femme bien décidée à faire payer le prix fort à Mike qui l'a repoussée quand elle était enfant et qui bafoue aujourd'hui son droit à la vérité. Une relation complexe les unit. Mais Mike, manipulé par sa femme Bev et son fils, est incapable de réagir.  Pourtant elle le poursuit, " elle a besoin de le voir, de voir la preuve de la souffrance qu'elle lui a causée."

Les points faibles de ce roman ? Sans doute des personnages parfois un peu trop stéréotypés - Bev, Tracy, la prostituée junkie et Achmat Bruinders -  mais Smith évite tout manichéisme. Noirs et Blancs s'alignent dans ce déferlement de violence et de médiocrité.  
Si on a également parfois le sentiment que le roman s'égare avec des personnages sans cohérence : la vieille voisine juive et son vieux chien Harpo, la pute qui fait chanter Mike, il finit par trouver sa voie et conduit vers un dénouement diabolique.

Ces aspects sont contrebalancés par une vraie force dans les descriptions de lieux et d'atmosphères rugueuses et tendues comme celle du township de Cape Flats ou celle de Long Street la rue cosmopolite du Cap. Sans parler des banlieues chics et verdoyantes où vivent des Blancs repliés derrière les "Electric fences " et les hauts murs de leur propriété nichées en contrebas de la Mountain Table. 
J'ai visité ce fabuleux pays tout récemment et j'ai retrouvé l'ambiance électrique de ces lieux. 

En tout cas, il est clair que la nation" arc en ciel " n'a pas accompli toutes ses promesses. Les "free born" les enfants nés après l'abolition de l'apartheid en 1994, espèrent et attendent beaucoup plus de ce pays, notamment d'en finir avec la justice à deux vitesses et avec la ségrégation sociale.

Convaincue  par ce roman, je ne manquerai pas de lire à nouveau les polars de Roger Smith.

Pièges et sacrifices, de Roger Smith, traduit de l'anglais (Afrique du Sud) par Elsa Maggion, Calmann-lévy, 2015






jeudi 14 mai 2015

Quelqu'un à tuer


"Quelqu'un à tuer" pour sauver deux vies imbibées de noirceur. Deux vies de mecs, celles de Arthur et Ignacio qui ne manquent pas de types à zigouiller, à commencer par eux-même, qui sait. Et pour cause ....
2014. Arthur est un mec paumé qui picole et qui glande. Pour enfoncer le clou, sa belle Suédoise vient de le laisser tomber, lassée de ce musicien raté sans ambition. Pourtant, elle l'avait aidé à enregistrer son premier album, elle y croyait, lui aussi un peu. Au final, leur couple se fracasse et Arthur se transforme en loque humaine. Pas question de trouver refuge chez sa mère, une communiste endurcie, qui ne lui a témoigné ni tendresse ni amour depuis son enfance. Elle le tient sans doute pour responsable du départ précipité de son père, un matin en douce alors que le gamin n'avait que deux ans. Il ne l'a jamais connu, alors qu'il aille le trouver maintenant. En Andalousie, un type, Ignacio Obregon, héros de la guerre d'Espagne, lui dira où le trouver. Il est temps de régler ses comptes avec son père.
1936. La guerre d'Espagne happe la vie d'Ignacio, une vingtaine d'années,  mineur comme son père dans un village minier d'Asturies, et communiste comme ces ouvriers, les gens du peuple. Avec son frère il est contraint de fuir son village, il laisse derrière lui sa mère et ses sœurs, et Candela celle qu'il a aimée. Ignacio s'engage sans concession dans le guerre civile. Sa lutte contre le franquisme sera impitoyable et ses actes de guerre, ses exactions en série,  lui vaudront à jamais respect et crainte.
Au bout de ce parcours chaotique, les deux hommes vont se rencontrer. Ils ont mené une vie exempte
d'amour car il leur a toujours filé entre les doigts. A cause de ceux qui les en ont privé : père et mère, oppresseurs du peuple, militaires, Franco et autres petits cons de passage. Les responsables ne manquent pas, alors Ignacio et Arthur ont tout plaqué pour partir à la recherche de "quelqu'un à tuer". Ils foncent, effrayés par leur propre image de salaud et de raté. Pourtant, leur quête ne se termine pas comme ils l'imaginent car en chemin ils font de belles rencontres qui les changeront à jamais et inconsciemment leur feront revoir leur jugement. Tout ne semble plus foutu.

Olivier Martinelli a écrit un roman noir. Un vrai avec pour décor la guerre d'Espagne (bien documentée d'ailleurs grâce à Michel del Castillo) marquée par la cruauté qu'elle engendre et les hommes qu'elle broie. J'ai été impressionnée par le personnage d'Ignacio, enragé et destructeur. Pourtant on sent que cette rage vacille, grâce à son petit frère et cet instituteur et sa femme que la guerre met sur son chemin. Au final, il s'agit bien d'un roman d'amour aussi, qu'il soit maternel, fraternel ou conjugal. Ces deux hommes sont également à la recherche de quelqu'un à aimer... J'ai apprécié ce road trip vers l'Andalousie et au bout de la route cette rencontre touchante et cinglante à la fois .

Olivier Martinelli aime la musique aussi, ça on le savait depuis la publication de ses derniers romans Une légende et La nuit ne dure pas. Il propose d'ailleurs des lectures accompagnées d'accords flamenco. Belle idée ! Je suis impatiente de les entendre. En attendant, lisez Martinelli !

Quelqu'un à tuer de Olivier Martinelli, la Manufacture de livres, 2015

mercredi 29 avril 2015

Robe de marié, un coup de maître

Avant d'obtenir le prix Goncourt en 2013 avec Au revoir là-haut, Pierre Lemaitre s'est fait remarquer en publiant des romans policiers. Parmi ces sept polars, j'ai découvert tout récemment  Robe de marié.

Sophie Duguet est folle. Elle en est convaincue. Folle à lier, et meurtrière. Elle sème les cadavres dans son sillage, mais ne se souvient de rien. Ni comment elle a tué ce gamin qu'elle gardait, et cette femme qui lui portait secours, ni cet abject gérant de fastfood. Ni  pour quelles raisons elle finit par les assassiner. 
Au départ, Sophie, la trentaine, a une vie bien rangée avec un mari qu'elle aime, puis elle commence à oublier des petites choses de son quotidien, les clefs de la voiture retrouvées au mauvais endroit, le cadeau d'anniversaire bien caché et au final introuvable dans l'appartement, des dossiers du boulot égarés, etc. Discrètement, elle note pourtant sur un petit carnet ces petits détails mais rien n'y fait, elle les perd aussi ... Ensuite tout bascule  le jour de ce terrible accident de la route qui cloue son mari pour le reste de ces jours dans un fauteuil roulant, comme un légume. Depuis c'est l'engrenage des malheurs qui petit à petit lui détruisent sa vie. Et elle oublie tout. Et le pire reste à venir. Sophie Duguet se débarrasse de ceux qui l'approchent, elle est folle, je vous le répète... Mais encore assez lucide pour organiser sa fuite, une longue cavale avec le soutien de son père, changer d'identité et refaire sa vie, une toute autre vie avec Franck, qui pourrait bien devenir son bourreau, vêtu de cette énigmatique robe de marié (au masculin notez-le bien...) jaunie.

Robe de marié est un fabuleux roman sur la folie, destructrice et sans issue. De celle qui saisisse et guide vers toutes les horreurs, avec des moments de lucidité qui laissent abasourdi. Sophie Duguet se voit tomber dans ce gouffre, impuissante. Le lecteur est le témoin de sa déchéance, puis de la reprise en main de sa vie, une fois la vérité mise à jour.
Même si on comprend assez vite ce qui se passe dans la vie de Sophie et que l'on pressent l'issue de cette histoire glaçante, Lemaitre a vraiment construit un excellent thriller psychologique. Mais c'est aussi  un roman sur la perversité. On se demande où Lemaitre est allé chercher tout ça ... Du côté de chez Hitchcock probablement.

Robe de marié de Pierre Lemaitre, Calmann-Lévy, 2009

jeudi 23 avril 2015

Grossir le ciel de Franck Bouysse


Quelle belle et grosse surprise !
La Manufacture de livres propose un polar d'un auteur qui fait parler de lui avec ce huis clos campagnard parfaitement exécuté !

Franck Bouysse plante le décor de son roman aux Doges dans les Cévennes en pleine campagne, mais pas la plus bucolique avec les marguerites et les vaches rousses made in Normandie, ou celle de Carine Lemarchand, non la campagne profonde qui n'intéresse personne, celle des chemins creux qui crottent les souliers et qui ne mènent nulle part. La campagne qui sent la mort et l'ennui. C'est là que vit Gustave Targot, dit Gus, avec pour seule compagnie son chien Mars. Il habite une ferme pas très éloignée de celle de Abel, un voisin qu'il fréquente à l'occasion pour un gorgeon de vin bourru ou un coup de main pour les récoltes ou le bétail. Deux vieux taiseux cévenols que des évènements inattendus et exceptionnels dans ce coin paumé vont étroitement réunir.
D'abord il y a la mort de l'abbé Pierre qui chamboule Gus, allez savoir pourquoi. Gus aimait bien le bonhomme sans doute. Puis des cris et des coups de feu dans les bois qui le poussent à fouiner du côté de chez Abel. Ce qui n'est pas du goût du vieux voisin... Puis des suceurs de Bibles, comme Gus les surnomme, qui tournent comme des mouches à bouses autour de sa maison. Et pour couronner le tout, au village, le voisin du Paradis qui lui cause pour la première fois de sa vie pour tenter de l'arnaquer. Rien ne va plus au pays.
Au fil des pages, Gus égraine l'histoire de la famille, un passé difficile cousu de non-dits et de lourds secrets de famille, avec beaucoup de violence, en lien avec l'histoire de Abel qui a toujours été son plus proche voisin et que des anciennes fâcheries ont éloigné. D'ailleurs lui aussi en a bavé.

Pas facile cette vie de paysans, sans femme,  sur fond de solitude, comme on en imagine plus... A l'écart de tout progrès technologique, couchés tôt levés tôt, des hommes qui se contentent de peu et qui savent encore apprécier les choses simples. On ne les envie pas pour autant tellement la vie semble rude et impitoyable.

Franck Bouysse a brillamment réussi son coup : le décor est saisissant, noir et lumineux à la fois, un contraste qu'on retrouve chez ses personnages. Les vieux nous surprennent par leur humanité. Et  ils savent en user contre la bétise. Sans compter que ce brave Gus sait causer, croyez-moi. Et il est loin d'être con en plus !
On peut rajouter que Franck Bouysse a beaucoup de talent et une belle plume. Certains ont même évoqué une écriture à la Simenon. En tout cas, elle est au service d'un récit touchant qui saisit aux tripes.

Grossir le ciel de Franck Bouysse, la Manufacture de livres, 2015

Camilla Läckberg, à n'en plus pouvoir ...



Ultra médiatisée en France, Camilla Läckberg a écrit une série de polars qui a débuté avec la Princesse des glaces. Publié dans la collection Actes Noir en 2008, elle surfait fièrement sur la vague Millénium de Stieg Larsson. Depuis elle a publié en France huit titres dans cette série et son héroïne Erica Falck enchaîne succès sur succès. 250 000 exemplaires écoulés pour ce premier titre ! 
Tout commence dans une petite station balnéaire suédoise Fjällbacka. Une femme est retrouvée morte dans sa baignoire. Le doute s'installe rapidement sur les causes du décès et Erica, une amie d'enfance, enquête aux côtés de Patrick Hedström, qui travaille au commissariat, pour venir à bout de l'affaire. Patrick, ce personnage récurrent, la jeune enquêtrice en fait rapidement son mari et père de la petite famille ! Une marque de fabrique de l'écrivain suédoise : On sait tout de la petite vie quotidienne de l'héroïne et de ses bambins, les sombres histoires de famille et son passé tumultueux qui tiennent une place capitale dans tous ces polars.
Ficelé avec de multiples rebondissements,  le récit s'articule finalement toujours de la même façon. Toujours le même schéma dans ces polars : Läckberg nous ballade, elle  nous mène en bateau au fil des pages avant de nous pondre à la toute dernière page un rebondissement - un personnage qui n'est pas celui que l'on croit, un revenant ou un disparu vindicatif. Läckberg apprécie tout particulièrement de mettre en parallèle deux histoires à deux époques différentes, dont on sait qu'elles se rejoindront à la fin du roman. Une fois qu'on a pigé le truc, plus aucune surprises ! !
Elle s'intéresse aussi de près à l'histoire récente de la Suède, notamment aux relations entre son pays et l'Allemagne nazie.
Je note toujours aussi quelques incohérences ou aberrations qui me donnent le sentiment que la longue série d'enquêtes de Erica commence à s'essouffler... Quand arrêtera-elle de fourrer son nez dans les enquêtes de son mari !!
Je me demande comment cette série va se terminer ...? Et quand !
Quoi qu'il en soit Camilla Läckberg est l'une des auteurs suédoises la plus lue au monde (5 millions d'exemplaires vendus, dont 2 millions en France)

Dernier titre publié La Faiseuse d'anges,  traduit du suédois par Lena Grumbach, Actes Sud 2015


vendredi 10 avril 2015

Sherlock ! Oh My God !


OMG ! Sherlock is back ! Les médias ont beaucoup parlé des deux films réalisés par Robert Downey Jr (à raison d'ailleurs ! Jude Law est renversant...), mais si l'on apprécie Sherlock Holmes, il semble difficile, voire impossible, de passer à coté de la série télé !

Sherlock, c'est une sacrée bonne surprise ! Bloody good ! Sans doute légèrement blasée par les séries policières américaines, j'ai suivi avec délectation tous les épisodes. Déjà trois saisons au compteur, avec seulement trois épisodes pour chacune d'entre elles. Trop peu !

Posons le décor. Sherlock est une série policière britannique diffusée depuis 2010 par la BBC écrite avec brio par Mark Gatiss et Steven Moffat. L'incontournable Moffat, à qui l'on doit de nombreux épisodes du mythique Docteur Who, autre série anglaise que je vous recommande. D'emblée, la série remporte un succès incontestable en Grande-Bretagne, applaudie par la presse anglaise : "A worldwilde success, a global phenomenon" comme le titrait récemment  The Telegraph. En France, le premier épisode a été diffusé en 2011.
Les raisons du succès de la série ?  En quelques mots :
- Deux acteurs flamboyants : Benedict Cumberbatch (en lice pour les Oscars cette année) dans le rôle de Sherlock et Martin Freeman (le Hobbit de Peter Jackson) dans celui de Watson. Leur interprétation est pétillante et bourrée d'humour. Et le flegme britannique est préservé, surtout  par le personnage de Mycroft. Moriarty lui est parfaitement réussi, effrayant et redoutable comme il se doit et Laura Adler est sulfureuse !  Beaucoup de justesse dans ce casting. De bons choix d'acteurs qui en font une série géniale.
- Une adaptation libre et contemporaine des romans de Conan Doyle, on retrouve des enquêtes très connues mais totalement revisitées comme celle du Chien de Baskerville. Les meilleurs épisodes sont selon moi ceux du Scandale à Buckingham et Le Signe des trois. Drolatique et ingénueux ! Et les enquêtes sont brillantes, de vraies "whodunit" dignes des maîtres britanniques !
- Une série en complet décalage avec les romans : Sherlock accroc aux sms et au GPS, qui utilise des patchs antitabac, dans un décor du 221B Baker Street des années 50. Jubilatoire ! 

En résumé, Sherlock est une série osée et créative. Le tournage de la saison 4 est en cours... Rien à voir avec la série Elementary que j'ai commencée à visionner, pourtant ambitieuse avec son personnage féminin de Watson.
Foncez les yeux fermés !

Sherlock, intégrale des saisons 1 à 3, BBC et France Télévisions Distribution, septembre 2014

dimanche 15 février 2015

La nuit de l'accident

Que s'est-il réellement passé la nuit de l'accident?
Tout a démarré sur une route du Cantal en pleine campagne. Un mauvais virage qui surprend un conducteur dans la nuit et le voiture qui se précipite dans la rivière le Celé quelques mètres en contrebas. A la porte de sa ferme, Pierre, lui, a tout vu. Mais il est trop tard quand il se précipite au bord de la rivière. Le conducteur gît raide mort sur la berge. Les gendarmes du coin concluent rapidement à un banal accident. Dans les jours qui suivent, des événements viennent bouleverser la vie de Pierre et de celles des habitants du village. Le chien de Pierre est massacré, un motard fou poursuit les habitants dans les chemins creux, le vieux voisin rebouteux confond Pierre avec son oncle mort à la guerre et surtout un campeur, genre beau gosse un peu trop curieux, s'installe près de la ferme et commence à poser des questions sournoises sur l'accident. Il tourne autour de Nat la femme de Pierre et l'interroge sur cette fameuse nuit et les agissements des voisins et de Pierre.

Voilà à quoi se résume l'intrigue de ce polar "de campagnes". Le roman d'Elisa Vix est prétexte à un arrêt sur image sur des personnages rustres -certains à l'âme très noire-  et également sur les relations de ce couple en pleine crise. Pierre est un "brave" paysan, un bel homme bien bâti, un peu "taiseux". Il habite dans la ferme qu'il a hérité de ses parents, où il est né d'ailleurs. Il n'en revient toujours pas d'avoir mis dans son lit Nat la jolie rousse, vétérinaire, que le village entier semble lui envier. Pourtant il est incapable de préserver cet amour et leur relation se disloque inexorablement. Pierre doit choisir entre son amour pour sa terre et celui pour Nat. Un amour qui va le conduire à la folie.
Les personnages sont convaincants, sans trop de stéréotypes -on suppose qu' Elisa Vix a dû croiser certaines d'entre eux au cours de sa carrière de vétérinaire.

Comme dans le roman L'Hexamètre de Quintilien que j'ai lu récemment, le roman d'Elisa Vix est court et efficace finalement. Elle utilise le style d'écriture à deux voix, celle de Nat et celle de Pierre, qui permet de bien rythmer le récit et de nous conduire vers le dénouement final avec beaucoup de maîtrise.

Inévitablement, ce roman m'a rappelé ceux écrits par Sébastien Japrisot  L'Eté meurtrier et La Maison assassinée de Pierre Magnan qui ont souvent planté leur décor au fin fond des campagnes françaises et qui mettent en scène des personnages souvent très noirs, cruels pour certains et viscéralement attachés à leur terre. Mais il m'évoque aussi ceux plus récents de Sandrine Collette, que j'ai apprécie tout particulièrement en ce moment, notamment Noeud d'acier.

C'est ce que j'appelle un bon polar "casse-croûte", de ceux qu'on lit avec beaucoup de plaisir mais qui ne marque pas définitivement .

La Nuit de l'accident de Elisa Vix, aux éditions Rouergue Noir , 2012.