lundi 1 mai 2017

Prendre les loups pour des chiens

Un braquage raté. Une peine de cinq ans de prison. Franck, 25 ans tout juste, sort de taule, le tête haute. Il n'a pas balancé son complice qui lui a réussi à prendre la fuite avec le magot. Impossible pour Franck de trahir son frère ainé Fabien. Devant la prison, c'est Jessica, la copine de Fabien, qui l'attend. Le frangin est parti pour "affaire en Espagne" et le rejoindra dans quelques semaines chez les parents de Jessica. 
Une famille sordide et malsaine. La mère picole, le père trafique des bagnoles volées pour le compte d'un malfrat du coin surnommé Le Gitan, la gamine Rachel ne dit pas un mot et Jessica est plutôt du genre aguicheuse, bipolaire et junkie. Et devant la porte de la maison veille Goliath, un gros clébard menaçant.
Bref, ce n'est pas vraiment le retour à la liberté dont Franck rêvait. Le voilà échoué dans un nid de couleuvres aux prises avec des crotales. 

La tension est à son maximum dès les premières pages, verrouillées par cette ambiance étouffante et cette chaleur moite aux abords de la forêt des Landes. Et elle ne nous lâche plus. Car rien ne va se passer comme prévu. La catastrophe est prévisible. Fabien tarde à revenir et, encore plus inquiétant, il ne donne aucune nouvelle à son frère. Et soudain tout bascule, le piège se referme sur la proie... Franck, qui s'était résigné à attendre, n'a plus d'autre choix que de fuir cette folie pour sauver sa peau.  
Il n'est pas possible de douter du talent de Hervé Le Corre à écrire des romans noirs d'une force incroyable. Il injecte juste ce qu'il faut de violence et de rage dans cette sale histoire. La haine qui suinte de ses personnages désaxés est écœurante. Ils sont abjects, on a envie de gifler Jessica, d'injurier sa crevure de mère, de prendre cette gamine par la main et de partir loin. Rachel est le brin  d'humanité de cette famille vénéneuse, le petit souffle d'air de cette histoire qui nous permet de respirer au milieu de ce tumulte de violence. 
Ce serait bien réducteur de se contenter de parler de la haine et de la méchanceté distillées dans ce roman. Hervé Le Corre sait comment attendrir la colère du lecteur et celle de son personnage. Franck trouve le salut dans ce qu'il lui reste d'amour pour les siens, le respect pour son frère, les retrouvailles avec ses copains d'enfance, le souvenir de sa mère, celui de son père qu'il a chassé de sa vie et la tendresse pour la petite Rachel.

CHAPEAU BAS ! C'est sacrément réussi car Hervé Le Corre en partant d'une histoire très simple au départ, et presque dépourvue d'originalité, nous entraine dans une lecture totalement addictive, d'une très grande qualité, avec une fin magistrale. 

Prendre les loups pour des chiens de Hervé Le Corre, Rivages 2017

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