dimanche 21 août 2016

Les Infâmes de Jax Miller

Le bandeau sur la couverture de ce polar annonce la couleur : " Je m'appelle Freedom Oliver. J'ai tué ma fille". Entrée en matière glaçante. Tous les chapitres commencent par la déclaration de son identité et Freedom nous raconte son histoire. Elle a de quoi raconter, tant sa vie a été jalonnée d'obstacles, de déconvenues et de mauvaises rencontres. Écouter un peu ça...

Freedom Olivier, alcoolique et suicidaire, a passé dix-huit ans à se cacher dans une petite ville de l'Oregon, sous protection du FBI. Hantée par son passé douloureux et la mort brutale de son mari, elle souffre d'avoir abandonné ses deux enfants pour échapper à la vengeance de son beau-frère. En apprenant la disparition de sa fille Rebekah, élevée par un pasteur aux croyances radicales, elle part avec l'énergie du désespoir pour le Kentucky. Après tant d'années à se cacher, quitter l'anonymat c'est laisser à son bourreau l'occasion de la retrouver. Et de se venger.

Les Infâmes a un GROS défaut : celui du premier roman. Jax Miller a ressenti le besoin urgent de raconter tous les maux et obscénités de la terre, sans doute tout ce qu'elle avait sur le cœur : violences conjugales, maltraitances d'enfants, abus sexuels, viol, adoption, dysfonctionnements de la justice et de la police, obésité, secte, suicide collectif, terrorisme, handicap, indiens sans terre, légendes indiennes, bikers endiablés, tout y est ! Et là je dis trop c'est trop ! Lourd fardeau pour Freedom Oliver...
Les personnages sont caricaturaux. Par exemple Freedom alcoolique stocke ses petits pilules pour mettre les bouts mais auparavant elle doit montrer de quoi elle est capable, façon Wonder woman. Et le jeune flic du coin, jeune papa qui élève son fils seul, en pince pour cette écorchée vive, il est prêt à tout pour la sortir de cette sale affaire. Heureusement son ex-beau-frère handicapé moteur qui se fait passer pour un débile "vole" au secours  de Freedom.
En prime, invraisemblances et scenario mal ficelé achèvent une bonne fois pour toutes le roman.

Le polar a obtenu le Grand prix des lectrices ELLE policer 2016. On pouvait trouver mieux !?

Les Infâmes de Jax Miller traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Claire-Marie Clévy, aux Editions Ombres noires, 2015

mardi 9 août 2016

Marli Roode, la relève sud-africaine

Marli Roode est née en Afrique du Sud puis l'a quittée dix-sept ans plus tard. A Londres, elle s'intéresse à la philosophie et au journalisme. Son parcours ressemble à celui de Jo Hartslief, l’héroïne de son premier roman Je l'ai appelée Chien.
Point de départ de l'histoire : Jo est jeune journaliste anglaise qui a coupé les ponts avec son père Nico, raciste et fervent défenseur du régime de l’apartheid. Elle revient en Afrique du Sud à l'occasion d'un reportage sur les émeutes contre les immigrants dans un township de Johannesburg. Son père resté au pays reprend alors contact avec elle. A la demande pressante de ce dernier qui est accusé d'avoir participé au meurtre du militant anti-apartheid Vusi Silongo en 1983 avec les forces spéciales, elle décide de l'aider. Elle va alors écouter le récit de son père, qui tente de se disculper. Point de départ du road trip vers le lieu du crime et à la rencontre de ceux qui ont participé à l’exécution. Le père embarque sa fille dans un voyage semé de pièges et de mensonges, à la fois fuite en avant et retour sur un terrifiant passé. Angoisse assurée !

Marli Roode a choisi mêler le présent et le passé de façon assez déroutante. Et ça fonctionne. On s'interroge sur la culpabilité de cet homme, l'auteur laisse la part belle à de nombreuses questions sans réponse. Nico est-il réellement victime d'un odieux chantage ou a-t-il participé à ces atrocités et manipule sa fille ? Qu'a découvert Jo dans le township et qui est exactement Paul, le fonctionnaire du gouvernement qui la suit à la trace ? Jo s'invente-elle un passé à partir des révélations confuses de son père ? Comme le lecteur, Jo est ébranlée par ce qu'elle entend et par l'attitude de son père qui semble vouloir se racheter de les avoir abandonnées, elle et sa mère.

Marli Roode fait partie de cette jeune génération qui a hérité de l'histoire de son  pays et du devoir de transmission. Elle mêle les événements récents à ceux des heures les plus sombres de l'apartheid. Faisant la preuve que l'Afrique du Sud  n'en a pas terminé avec la ségrégation et la xénophobie. Comme un éternel retour des pires atrocités qu'a subies le pays. Bien sûr, à partir de 1995, le pays a misé sur la commission Vérité et Réconciliation pour s'assurer un futur apaisé mais malgré tout, comment accorder le pardon à ses proches qui ont du sang sur les mains ? Comment accepter de croiser ces bourreaux en liberté ? Pari difficile pour les jeunes Sud-africains résolument tournés vers le futur mais confrontés aux relents du passé de leur pays. Marli Roode a dressé une série de portraits très touchants de jeunes femmes et hommes qui constituent la génération des freeborn d'Afrique du Sud. Ce qui semble être le cœur de ce roman.
Le rythme du roman est un peu lent et décousu mais il laisse par moment place à des scènes d'émeutes très violentes. Une actualité qui rappelle forcément les images des émeutes de Soweto en 1976 et de Sharpeville en 1960, même si le contexte n'est pas le même. Je l'ai appelée Chien  est un roman politique d'une violence qui glace le dos.
Mais c'est surtout un récit subtil notamment sur les relations entre un père et sa fille qui se resserrent puis s'étiolent au fil de ce voyage, dans des paysages envoutants d'Afrique australe.

Je l'ai appelée Chien de Marli Roode, traduit de l'anglais (Afrique du Sud) par Fabienne Duvigneau, Rivages 2016