mardi 6 septembre 2016

Derniers meurtres avant la fin du monde


Les éditions Super 8 présente une trilogie de l'Américain Ben H. Winters.


La fin du monde est proche. Hank Palace, jeune flic  du New Hampshire, le sait. La Terre entière aussi depuis le mois d'octobre. La faute à Maïa, un gros tas de cailloux de 6 km de diamètre qui fonce droit sur notre planète qu'elle percutera dans quelques mois. Évidemment, personne n'avait rien vu venir, ou alors personne ne croyait la chose possible. Pourtant l'impact se produira en Indonésie et progressivement l'occultation du soleil  mettra un terme à toute vie sur Terre. Le compte à rebours est lancé, alors le monde part en vrille : crise financière, institutions en déliquescence, lois d'exception, scènes de pillages, délinquance, abandons de postes. Nombreux sont ceux qui se carapatent pour réaliser leur rêve le plus cher comme pêcher la truite en Alaska, ou goûter à toutes les addictions possibles, bref se payer du bon temps avant la fin du monde.
Dans cette ambiance pré-apocalyptique, d'autres mettent les bouts de façon plus radicale. Le taux de suicide explose, alors pourquoi Hank Palace s'acharne-t-il à enquêter sur la mort de cet agent d'assurance retrouvé pendu dans les toilettes d'un MacDo ? Fin du monde ou pas, le flic est bien décidé à faire son boulot. Il remarque quelques détails troublants qui orientent l'affaire vers un assassinat.
Si l'enquête est de facture plutôt classique, le décor l'est beaucoup moins. C'est le point fort du roman et de la trilogie, à la fin inéluctable. On se laisse embarquer par les événements, à chaque page je me suis demandée ce que chacun de nous ferait. Et si c'était vrai ? Palace lui est confronté à cette vérité et son objectif en attendant le pire, c'est de préserver cette normalité dans un monde qui court à sa perte. Sa façon à lui de sortir la tête haute.
Il a le sens du devoir alors le jeune flic s'entête à faire son job, avec le peu de moyens encore accordés aux inspecteurs. Il s'attache à conserver une certaine normalité dans un monde qui ne l'est plus. Il déjeune chaque midi au restau du coin avec ses copains flics. Il protège et soutient sa petite sœur, s'entiche d'Houdini un petit chien qu'il adopte. Bref, des chouettes types dans un monde de salauds qui avancent à contre courant, gardant un peu de dignité jusqu'à la fin.
Comme un joli bras d'honneur à Maïa.

Mais que fait Bruce Willis ? On se le demande tout au long ce cet excellent roman ... Non, ne vous y trompez pas, Dernier meurtre avant la fin du monde est loin du cliché manichéiste Armaggedon ! Et Palace reste convaincu que la Terre n'a aucune chance de sauver sa peau, quoiqu'en disent quelques illuminés qui crient au complot et qui préparent leur survie post-apocalyptique. Et même Bruce Willis n'y peut rien.

Dernier meurtre avant la fin du monde, traduit de l’anglais (États-Unis) par Valérie Le Plouhinec, Super8 Éditions, 2015


Déclenchement du compte à rebours. J-77 avant Maïa
Si la société se délite à une vitesse incroyable, il reste néanmoins une poignée d'irréductibles hommes et de femmes d'honneur et de conviction. Henry Palace fait partie de ceux-là. Alors lorsque Martha Milano, son ancienne nourrice, lui demande de retrouver son mari disparu, il n'hésite pas un instant et lui promet de le retrouver. Elle est convaincue qu'il est parti accomplir une mission divine. 
Même scénario que le Livre 1. L'enquête n'a rien d'exceptionnel, si ce n'est qu'elle met en scène des personnages que tout oppose et qu'elle dévoile le côté obscure de notre société, à la veille de la fin du monde.
Plus d'école, plus d'hôpitaux, plus d'essence, chacun protège ce qu'il lui reste. Le rationnement alimentaire mis en place ne peut plus être assuré faute de production industrielle, tout le monde a foutu le camp pour essayer de sauver sa peau, laissant place à un marché noir impitoyable. L'approvisionnement en eau est également menacé. Survivre devient alors un combat quotidien. Des mouvements libertaires s'organisent, et des "semblants" de société égalitaires se mettent en place sur des campus.
Pour les autorités américaines, il s'agit à présent de stopper l'envahisseur qui fuit l'Asie du Sud-Est pour trouver refuge loin de la zone d'impact, venu sans doute piller les quelques réserves encore disponibles. Alors ça canarde à tout-va sur les côtes.
Au fil des pages, le personnage de Palace prend de l'épaisseur, bien décidé à faire ses propres choix sans déroger à  sa vision du monde, déclenchant parfois mon admiration !

Il faut reconnaître que Winters a un certain talent  pour faire monter la pression et faire grandir cette angoisse avant l'Apocalypse. On s'y croirait presque.
Winters pose un regard assez juste sur  la société, avec cette galerie de personnages tour à tour généreux et touchants,  mordants ou exécrables. Chacun d'entre eux choisit sa voie.

On devient vraiment addictif à cette histoire. La suite semble inexorable, le titre du Livre 3 à paraitre en septembre ne laisse pas de place au doute : Impact !




J-77, traduit de l’anglais (États-Unis) par Valérie Le Plouhinec, Super8 Éditions, 2016