dimanche 7 février 2016

Les Fugueurs de Glasgow

Comme tout bon polar, le roman commence par le meurtre d'un homme en 2015. Simon Flet recherché depuis cinquante ans par la police britannique et qui avait trouvé refuge en France. De son assassin on ne sait rien et ce n'est pas une enquête policière qui conduira à la révélation finale. 

A Glasgow, Maurie, vieil homme piégé au fond d'un hôpital par une saloperie de cancer, lui connaît la vérité et il veut régler quelques comptes avant de casser sa pipe. Alors pour ça il fugue, comme cinquante ans plus tôt avec ses vieux copains Dave et Jack et son petit-fils Ricky au volant. Direction the Big Smoke, comme en 1965. Bien décidés à faire le périple à l'identique.

Ils étaient alors cinq garçons de 17 ans à foutre le camp d’Écosse, pour fuir une adolescente terne et miséreuse, à la conquête de Londres, de ses studios de musique, impatients de vivre de leur musique, de se mêler à l’excitation collective de Londres des Sixties. Évidemment, rien ne se passe comme prévu. Contraints de s'arrêter à Leeds, il récupère Rachel la cousine de Maurie, et dans la capitale, ils échouent chez le Docteur Robert, expert en hallucinogènes. Sans en croire leurs yeux ni leurs oreilles, leur chemin croise celui des Beatles, Dylan, Lennon, ils entrent dans les studios mythiques londoniens et goûtent à tous les interdits. Mais le petit groupe de musiciens s'englue et ne perce pas. Leur amitié est mise à mal, même la belle histoire d'amour entre Jack et Rachel s’effondre. Un soir, une tragédie scellera à jamais le sort du petit groupe. 

En 2015, la fugue des trois vieillards claudicants n'est guère plus reluisante et à peine plus sage, mais assez cocasse ! (un peu comme les vieux de la vieille qui se carapatent de l''hospice), sous le regard incrédule et parfois amusé de Ricky, obèse, geek et mal dégrossi. Leur escapade resserre les liens entre ces deux générations qui ne se comprennent pas, prétexte aussi à une belle rencontre entre un grand-père et son petit-fils. Avec beaucoup de nostalgie, la fine équipe rassemble ses souvenirs au fil du voyage. Le pays a changé, chacun a suivi son chemin mais leur amitié est intacte. Leur périple prendra fin là où elle a commencé cinquante ans plus tôt, levant le voile sur les événements de 1965.

Peter May est très attachée à son Écosse natale. Il prend un soin tout particulier à évoquer cette jeunesse écossaise éblouie par la capitale britannique, assourdie par la déferlante du rock. Avec justesse sans aucun doute, car il s'inspire de sa propre fugue.

Les Fugueurs de Glasgow est un roman noir et sombre sur fond d'une Angleterre déprimée et à l'agonie. Mais ce décor laisse place à une amitié inébranlable et une histoire pleine d'humanité. Un road-trip qui réchauffe le cœur, une folle aventure humaine, bercé par les Beatles.


Les Fugueurs de Glasgow de Peter May, traduit de l'anglais par Jean-René Dastugue, Éditions du Rouergue, 2015.