jeudi 25 septembre 2014

Yeruldelgger

Avec un titre imprononçable, une couverture atypique, un auteur méconnu, tout semblait mal engagé pour ce roman paru en octobre 2013. Pourtant, depuis le polar a raflé de nombreux prix de lecteurs et Ian Manook est l' invité de nombreux salons et librairies.
La raison d'un tel succès alors ? C'est probablement l'exotisme des paysages qui a séduit les lecteurs. La Mongolie, c'est le dépaysement assuré. Une culture qui nous est méconnu, celle des descendants de Gengis Khan aux moeurs et coutumes sans pareil, empreints de beaucoup de spiritualités, de croyances ancestrales et du respect de la nature. Des traditions d'ailleurs souvent mises à mal par la jeune génération. Et tout au long du récit, une gastronomie à faire frémir ! Vous avez déjà goûté au thé au beurre rance et salé ? à la marmotte farcie ?  ... Les descriptions d'Oulan-Bator, les yourtes, sans compter les paysages grandioses de steppes, tous ces éléments ont participé au succès du livre.

Autre ingrédient à ce succès, l'intrigue. L'histoire est bien ficelée et elle est ancrée dans l'Histoire de ce pays, étroitement liée à celle de la Chine, de la Corée et de la Russie, des pages de leur Histoire que nous ne connaissons que vaguement en Occident. Quant à Yeruldelgger le flic, il a traversé bien des épreuves : la mort tragique de sa petite fille, une ado rebelle, une femme devenue folle, un beau-père mafieux... Ses coéquipières lui sont intimement liées et  il fait de la mort suspecte de cette petite fille au vélo rose une affaire personnelle.... Ca sent parfois le cliché mais finalement Ian Manook s'en sort plutôt bien. Son style est fluide et tient en haleine. Un excellent page-turner.

"Yeruldelgger" de Ian Manook, éditions Albin Michel, 2013

L'héritage de Tony Hillerman

Pour poursuivre ma quête des polars "ethnologiques", j'ai choisi le roman d'un écrivain aux allures de shérif ! Craig Johnson ! J'ai entr'aperçu son stetson à Quai du polar à Lyon et ce type au chapeau de cowboy vissé sur la tête dans le salon des dédicaces m'a tout de suite plu ! Pour compléter le tableau, son accent américain et son rire tonitruant m'ont convaincue de lire cette série de polars parue chez Gallmeister.


Je démarre par Little bird, le premier volet paru en 2009. Walt Longmire, shérif du comté d'Absaroka dans l'état du Wyoming, s'apprête à prendre une retraite bien méritée. Mais c'est sans compter sur cette dernière affaire qui lui tombe dessus et le  ramène deux ans en arrière. Cody Pritchard est retrouvé mort, il avait été impliqué et condamné précédemment avec sursis dans l'affaire du viol d'une indienne Melissa Little Bird, avec trois autres ados. Mort accidentelle ou vengeance ? Rapidement, l'enquête démontre que quelqu'un cherche à faire payer cher le crime commis par ces jeunes.
J'ai adoré ce livre pour plusieurs raisons. Tout d'abord, l'intrigue est bien menée. Ensuite Walt Longmire est un shérif bien à part et particulièrement attachant. Il a choisi comme adjoint et successeur une femme Vic et compte comme meilleur ami et confident un indien Henry Standing Bear. Une belle amitié qui dure et résiste aux épreuves provoquées par cette sale affaire. Ce qui m'a également séduite c'est le style Nature Writing, la littérature de grands espaces, spécialité éditoriale de Gallmeister déjà éditeur de David Vann, Benjamin Whitmer et Bruce Holbert entre autres. Si vous ne vous connectez pas à Google pour apprécier en images les paysages du Wyoming, inutile de continuer à lire Craig Johnson, et vous aurez loupé quelque chose !
Belle intrusion au coeur de la tribu cheyenne également. 
Autre qualité de Little Bird, ce polar est écrit avec beaucoup d'humour et riche de dialogues très piquants ! Pince-sans-rire, oublieux du politiquement correct, Longmire et Henry m'ont embarquée dans leurs aventures que j'ai hâte de poursuivre. To be continued.

"Little bird" de Craig Johnson, traduit de l'américain par Sophie Aslanides, éditions Gallmeister, 2009

La voie de l'ennemi

Cet été, je me suis lancée dans la lecture de romans policiers dits "ethnologiques" et plus particulièrement ceux consacrés aux indiens d'Amérique du Nord. J'ai commencé par le "début", l'incontournable Tony Hillerman : La Voie de l'ennemi,  son premier roman, paru en 1970 aux Etats-Unis. Le premier de la trilogie des enquêtes de Joe Leaphorn, policier dans une réserve navajo de l'Arizona . 

Je n'ai pas été déçue. C'est une plongée richement documentée dans la culture indienne, comme je m'y attendais. Il faut s'accoutumer aux termes spécifiques (qui sont développés dans le lexique à la fin du roman) mais cette petite contrainte n'entrave pas le plaisir de découvrir cette culture, ces coutumes et légendes indiennes. Sans parler de la description des paysages de canyons, d'arroyos de la région des "Four corners" (à la croisée de quatre états : Utah, Colorado, Arizona et Nouveau Mexique) et de la sérénité qui émerge de ce récit. Quant à l'histoire, on s'y laisse prendre, même si elle présente quelques failles. Je vais prochainement  attaquer la suite Là où dansent les morts et Femme qui écoute. Tout récemment, Anne Hillerman, la "fille de son père" (décédé en 2008) a repris le flambeau en publiant un polar intitulé La fille de Femme araignée  qui remet en selle la police tribale de Joe Leaphorn . A suivre donc.

"La voie de l'ennemi" de Tony Hillerman, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Danièle et Pierre Bondil, éditions Rivages/noir, 1990