samedi 3 octobre 2015

Les Lumineuses


Voici une curieuse découverte ! Les lumineuses de Lauren Beukes se situe à mi-chemin entre polar et roman SF. Choix audacieux de la part de Lauren Beukes qui a dèjà démontré son talent d'écrivain de l'imaginaire (Zoo City en 2011, largement récompensé et Moxyland ). Cette fois-ci, elle réussit le pari de coller une enquête policière à ce voyage fantastique à travers le temps. De 1929 à 1993, elle nous entraîne dans les pas de Harper, tueur en série qui repère ses jeunes proies, celles qui brillent intensément (des Shinning girls),  guidé par l'âme d'une maison mystérieuse. Un fois repérées, Harper revient les assassiner des années plus tard en franchissant le seuil de la maison, la porte s'ouvre alors sur une autre année. Ce sursis est complètement glauque et tout le roman repose sur la traque, celle de Harper à la poursuite de ses victimes devenues adultes, et celle du psychopathe par Kirby, une de ses victimes qui lui a échappé. Kirby cherche à comprendre des indices aberrants et anachroniques qu'elle découvre au fil de son enquête, car Harper laisse à chacune de ses victimes un objet lié à une période qui n'est pas la sienne.

Ce soir-là, il lui a expliqué qu'elle brillait d'un éclat plus vif que les fusées qui explosaient dans le ciel et se reflétaient dans les façades vitrées des tours. Elle brillait si fort qu'il l'avait repérée de très loin... Pour cette raison, il allait la tuer. Pas tout de suite, plus tard. Quand elle serait grande.

Lauren Beukes s'en sort bien de son récit déstructuré, les détours temporels et les rencontres successives des victimes s'articulent plutôt bien. Elle le fait avec beaucoup de maîtrise, ce qui m'a permis de circuler sans trop de peine entre les époques. Pourtant l'enchaînement des chapitres peut paraître parfois  un peu déroutant pour le lecteur. Moi, cette forme de récit particulière m'a beaucoup plu.
 
Au fil du roman, on comprend que Lauren Beukes (d'origine sud-africaine) s'est beaucoup documentée sur la ville de Chicago au XXe siècle sur les mœurs et les objets emblématiques des décennies passées. De belles descriptions de la ville qui donnent une ambiance parfois très sombre et lugubre au roman.
Et un des points forts des Lumineuses, c'est son propos féministe. En témoigne la galerie de portraits de femmes. Zora, Willie, Alice, Misha, Margo, Catherine, Kirby, elle vivent toutes à des époques différentes et sont toutes très charismatiques : une jeune veuve noire qui travaille à l'usine pour faire vivre ses quatre enfants suite à la mort de son mari au combat en 1943, une avorteuse qui aide les femmes à ne pas tomber entre les mains d'un boucher dans les années 70,  une hermaphrodite en 1940 et une jeune femme qui deviendra scientifique dans un milieu  très masculin.

Chapeau pour son final aussi ! Une fin ouverte comme je les aime !

Sans conteste, c'est une belle surprise de lecture. Lauren Beukes a fait preuve de beaucoup d'audace pour ce thriller SF. Idée lumineuse, non ? 

Les Lumineuses de Lauren Beukes, traduit de l'anglais (Afrique du Sud) par Nathalie Serval, Presses de la Cité, 2013