jeudi 14 janvier 2016

Le mystère de l'ours brun des Abruzzes tué comme un chef de clan dans les quartiers espagnols de Naples

En 2015, les éditions Liana Lévi nous ont réservé une belle surprise. Parution discrète, auteur inconnu mais avec un titre pareil difficile de ne pas succomber !

Direction Naples. Tony Perduto, la trentaine, est un journaliste "à la petite semaine", contraint de donner des cours au fils du boucher et alimenter des rubriques jardinage pour boucler ses fins de mois. Pourtant, il rêve du scoop, mais il a dû se contenter de la rubrique faits divers (invasion de cafards dans les bassi napolitains, la loterie, les chiens disparus, et j'en passe...) du journal local. Jusqu'à ce matin où, au hasard de ces balades matutinales, dans les quartiers espagnols, il tombe nez à nez avec un ours ! Raide mort au beau milieu de la rue ! 
Enfin il la tient sa une ! Il en est convaincu et il ne lâchera pas le morceau...  Il enquête et commence à mettre son nez là où il ne devrait pas... A Naples, il vaut mieux se mêler de ses affaires et se tenir à l'écart de la camorra.

Avec ce court roman, Antonio Menna nous offre une belle visite de Naples, ponctuée de rencontres piquantes et drôles avec le petit peuple, et il décrit sa ville avec beaucoup de tendresse. L'enquête de Tony Perduto nous emmène dans une Naples souterraine et plus sombre, celle notamment des nantis et du "Parrain" local, la ville du boss, le chef de clan mafieux.

Le récit est plein d'humour, les relations entre Perduto et sa mère envahissante ne manquent pas de piment ! Il en va de même des tentatives illusoires de Tony pour repousser la belle Marinella.
Délicieusement italien tout ça ! J'adore !
 
Franchement pourquoi bouder ce plaisir ? Le roman peut vous paraître léger mais il n'en est rien. Cette enquête est drôle et touchante et l'histoire de cet ours est profondément triste. Et la visite de Naples en vaut le détour. Alors avanti !

L'étrange histoire de l'ours brun abattu dans les quartiers espagnols de Naples de Antonio Menna, traduit de l'italien par Nathalie Bauer, Liana Lévi, 2015
Titre original : Il misterio del orso marsico ucciso come un boss ai quartieri spagnoli, Le mystère de l'ours marsicain tué comme un boss dans les quartiers espagnols

samedi 3 octobre 2015

Les Lumineuses


Voici une curieuse découverte ! Les lumineuses de Lauren Beukes se situe à mi-chemin entre polar et roman SF. Choix audacieux de la part de Lauren Beukes qui a dèjà démontré son talent d'écrivain de l'imaginaire (Zoo City en 2011, largement récompensé et Moxyland ). Cette fois-ci, elle réussit le pari de coller une enquête policière à ce voyage fantastique à travers le temps. De 1929 à 1993, elle nous entraîne dans les pas de Harper, tueur en série qui repère ses jeunes proies, celles qui brillent intensément (des Shinning girls),  guidé par l'âme d'une maison mystérieuse. Un fois repérées, Harper revient les assassiner des années plus tard en franchissant le seuil de la maison, la porte s'ouvre alors sur une autre année. Ce sursis est complètement glauque et tout le roman repose sur la traque, celle de Harper à la poursuite de ses victimes devenues adultes, et celle du psychopathe par Kirby, une de ses victimes qui lui a échappé. Kirby cherche à comprendre des indices aberrants et anachroniques qu'elle découvre au fil de son enquête, car Harper laisse à chacune de ses victimes un objet lié à une période qui n'est pas la sienne.

Ce soir-là, il lui a expliqué qu'elle brillait d'un éclat plus vif que les fusées qui explosaient dans le ciel et se reflétaient dans les façades vitrées des tours. Elle brillait si fort qu'il l'avait repérée de très loin... Pour cette raison, il allait la tuer. Pas tout de suite, plus tard. Quand elle serait grande.

Lauren Beukes s'en sort bien de son récit déstructuré, les détours temporels et les rencontres successives des victimes s'articulent plutôt bien. Elle le fait avec beaucoup de maîtrise, ce qui m'a permis de circuler sans trop de peine entre les époques. Pourtant l'enchaînement des chapitres peut paraître parfois  un peu déroutant pour le lecteur. Moi, cette forme de récit particulière m'a beaucoup plu.
 
Au fil du roman, on comprend que Lauren Beukes (d'origine sud-africaine) s'est beaucoup documentée sur la ville de Chicago au XXe siècle sur les mœurs et les objets emblématiques des décennies passées. De belles descriptions de la ville qui donnent une ambiance parfois très sombre et lugubre au roman.
Et un des points forts des Lumineuses, c'est son propos féministe. En témoigne la galerie de portraits de femmes. Zora, Willie, Alice, Misha, Margo, Catherine, Kirby, elle vivent toutes à des époques différentes et sont toutes très charismatiques : une jeune veuve noire qui travaille à l'usine pour faire vivre ses quatre enfants suite à la mort de son mari au combat en 1943, une avorteuse qui aide les femmes à ne pas tomber entre les mains d'un boucher dans les années 70,  une hermaphrodite en 1940 et une jeune femme qui deviendra scientifique dans un milieu  très masculin.

Chapeau pour son final aussi ! Une fin ouverte comme je les aime !

Sans conteste, c'est une belle surprise de lecture. Lauren Beukes a fait preuve de beaucoup d'audace pour ce thriller SF. Idée lumineuse, non ? 

Les Lumineuses de Lauren Beukes, traduit de l'anglais (Afrique du Sud) par Nathalie Serval, Presses de la Cité, 2013

dimanche 16 août 2015

Yeruldelgger is back

Yeruldelgger le retour ! Et ça fait plaisir ! Je ne cache pas que je l'attendais.
Patrick Manoukian (alias Ian Manook) se trouvait face à un sacré défi : donner une suite aux enquêtes du flic mongol, après le succès de Yeruldelgger en 2014.
On retrouve d'ailleurs les personnages du premier opus. Notamment Colette la prostituée, découverte assassinée alors qu'elle avait rendez-vous avec Yeruldelgger. Afin d'échapper au complot dont il est la cible, le flic conduit lui-même l'enquête et tente de retrouver le gamin qu'elle avait adopté. Ses recherches le conduisent à nouveau sur les traces de Gantulga et il remonte la piste d'un sale trafic de gosses conduit comme du bétail en Europe par les réseaux de contrebande de Mongolie et de Russie. Pendant ce temps, ses coéquipiers cherchent à élucider deux morts très étranges. Oyun démêle les fils d'une affaire de yack tombé du ciel... Une situation cocasse de prime abord mais qui mettra en cause des militaires mongoles. Un terrain miné pour la jeune femme ! Sara, la fille de Yeruldelgger, refait surface aussi, rappelant à son père des blessures tout juste refermées.

Ça pue toujours autant en Mongolie, carrefour stratégique entre la Russie et la Chine. Terre de convoitises géopoliticiennes et de trafics en tout genre, qui ont des ramifications jusqu'en Europe et au Havre en France. Des flics y traquent aussi ces réseaux très protégés et fourrent leur nez dans des affaires qui déclenchent aussi la curiosité d'un journaliste. Ian Manook aime franchir les frontières dans ce roman.
Mais Ian Manook ne se contente pas de dévoiler les manigances politiciennes ou les trafics mafieux, il décrit les effets dévastateurs du nucléaire sur l'environnement en Russie. Il revient également encore sur la fin du nomadisme et il nous embarque dans les steppes mongoles.
Ouf ! Comme un îlot de bonheur à préserver, on retrouve Solongo et on respire à nouveau les parfums de sa yourte et, au fil du récit, ceux de bons plats traditionnels mongols - toujours aussi surprenants car après les marmottes en 2014, on sert cette fois-ci de la tête de chèvre bouillie.

Yeruldelgger ne serait plus aussi attachant sans une bonne dose de mysticisme. Le flic qui semble pencher du "côté obscure" dévoile parfois beaucoup de cruauté. Mais les moines du septième Monastère veillent sur lui comme une bonne fée. Et les loups le protègent contre le Mal. Certains passages sur le chamanisme sont envoûtants.

Dépaysement total, détours gastronomiques par la Mongolie, (et la Normandie !), dialogues pleins d'humour (Ian Manook aime Les Tontons flingueurs à coup sûr...), intrigues prenantes et  personnages crédibles, attachants ou horripilants, mais qui ne laissent jamais indifférents, voilà la recette Yeruldelgger.
Alors oui, forcément, je serais déçue de ne pas retrouver prochainement  le flic mongol !

 Les temps sauvages, Yeruldelgger, de Ian Manook, éditions Albin Michel, 2015





jeudi 6 août 2015

Dust, poussière tu deviendras....


Cap sur l'Afrique. Où il est question des persécutions subies par les Albinos au Kenya et sur des croyances ancestrales ancrées sur le continent africain. Et de l'argent sale qui en découle....

En résumé : 2010. Dans un terrain vague de Nairobi, un gamin à vélo s’amuse à rouler dans une grande flaque sur le sable ocre. Du sang humain, répandu en forme de croix. Sans le savoir, le garçon vient de détruire une scène de crime, la première d’une longue série.
2012, à Nairobi. Une femme albinos est décapitée à la machette en pleine rue. Le tueur a emporté la tête, un bras aussi. Elle a été massacrée, comme beaucoup de ses semblables, parce que ses organes et son corps valent une vraie fortune sur le marché des talismans.
Appelée en renfort par le chef de la police kenyane, Hanah Baxter, profileuse de renom, va s’emparer des deux enquêtes.
Hanah connaît bien le Kenya, ce pays où l’envers du décor est violent, brûlant, déchiré entre ultramodernité et superstitions.
Mais elle ne s’attend pas à ce qu’elle va découvrir ici. Les croix de sang et les massacres d’albinos vont l’emmener très loin dans les profondeurs du mal.

Voilà, le résumé a l'odeur alléchante du bon thriller,  mais en fait j'ai été affreusement déçue !
Vraiment le sujet m'emballait, passionnant car peu médiatisé en France. Effroyable et révoltant. 

Dans de nombreux pays d’Afrique, dont le Kenya, l’albinos est considéré comme un être aux pouvoirs surnaturels ou, parfois, comme une créature maléfique. Les sorciers diffusaient ces croyances auprès de la population en promettant longue vie, richesse et pouvoir à qui consommerait des poudres et des substrats obtenus à partir des membres, des organes ou des cheveux d’albinos, qui se vendaient à prix d’or. Face à ce marché juteux, la chasse aux albinos se répandit en Afrique avant les années 2000, prenant au fil du temps un essor inquiétant.

Le sujet ne laisse pas indifférent, il vous saisit aux tripes même. Encore aujourd'hui, ce commerce très lucratif pousse de nombreux gamins à commettre des actes de violence d'une dureté invraisemblable, pour assurer leur survie et tenter de sortir frères et soeurs de la misère. Pour une poignée d'euros au profit de gros nababs, qui se gavent de profits nauséabonds.

Mais le style et l'écriture m'ont en contre partie complètement irisés le poil ! L'enquêtrice est bardée de clichés de bonnes séries télé : lesbienne, bouddhiste, new-yorkaise, mystique, médium, profileuse, un peu de coke avant d'aller se coucher. Un "personnage complexe" raté, un peu lourd à mettre en scène tout au long du récit. Alors il en perd rapidement de sa crédibilité. 
Le personnage de Darko Unger ne m'a pas plus convaincue, le double jeu du traître semble évident dès son apparition. On peut deviner rapidement également qui est le semeur  des croix de sang. 
Et quelques scènes dégoulinantes de guimauve.

Autre désagrément, l'écriture est parfois précipitée. Par exemple, Sonja Delzongle se débarrasse en quelques lignes de son serial killer ! Paf ! Un coup de frein et il quitte la scène. Sans parler du revirement de situation entre Hannah Baxter et l'inspecteur mexicain Mendoza (qui forcement en a bavé dans sa vie d'avant ! des anecdotes inutiles, qui n'apportent rien au récit ), ces deux-là, sont comme chien et chat dès le début du roman. Puis en deux paragraphes, le gros dur mexicain s'assouplit et Mendoza et Hannah deviennent les meilleurs amis du monde....
Beaucoup de surenchère aussi dans la succession des événements... L'assaut finale m'a laissé de marbre.
Stop n'en jetez plus ! Pourtant Sonja Delzongle avait une pépite avec ce sujet. Mais le résultat n'est pas à la hauteur. Dommage.

Dust de Sonja Delzongle aux éditions Denoël, Sueurs froides, 2015



vendredi 26 juin 2015

Un homme d'honneur

Missing New York marque l'arrivée d'un nouveau détective dans l'univers du polar. Frank Decker.

Sergent de police à Lincoln, dans le Nebraska, il enquête sur la disparition de Hailey, une petite fille de cinq ans. Les premières heures sont déterminantes, Franck Decker le sait alors il déploie toutes ses forces et celles de son équipe pour la retrouver. Mais rien. Pire, une autre gamine est kidnappée le lendemain et on la retrouve assassinée. Alors comme une affaire chasse l'autre, les flics stoppent  l'enquête. Il faut dire que la gamine n'a pas le profil  de la parfaite petite Américaine : Hailey est métisse, sa mère Chéryl est une fille mère d'une vingtaine d'années, flanquée d'un casier  judiciaire déjà noirci par quelques erreurs de jeunesse (alcoolisme, drogue), le père a tourné les talons dès qu'il l'a vue brandir le test de grossesse. Mais aujourd'hui Chéryl est "clean" et elle est très lucide. Hailey a disparu et personne ne la cherchera plus. Pourtant un flic lui a fait la promesse de la retrouver, Franck Decker,. Alors Decker plaque tout :  son boulot, la promesse d'une mutation et d'une belle retraite et surtout sa femme. Le couple bat de l'aile. Alors il part sans remords. Il sillonne tout l'état, et au-delà, incapable de lâcher l'affaire.
Son enquête le fera croiser les caids de la Mafia new yorkaise. Entre leur chef et lui s'instaure alors un respect mutuel et retrouver cette gamine devient une question d'honneur
Deux visions de l'Amérique s'opposent également dans ce roman : côté pile, la simplicité des petites gens du Nebraska, côté face la société Bling bling de New York mêlés aux réseaux de prostitution. Un peu cliché mais captivant malgré tout.

Evidemment, Don Winslow est une valeur sure du roman policier américain, alors pourquoi bouder ce plaisir ? Il y aura une suite, la 4e de couverture le laisse entendre, une "première enquête" qui donne envie de poursuivre cette intrusion dans une Amérique en décrépitude.

Missing New York, de Don Winslow, traduit de l'américain par Philippe Loubat-Delranc, Seuil policiers 2015


Blancs vs Noirs


Je viens de terminer la lecture de Pièges et sacrifices de Roger Smith. Un auteur sud-africain de plus à mon compteur. Ce polar fraîchement publié par Calmann-Lévy était l'occasion de s'y intéresser. Et je ne l'ai pas regretté, même si je garde quelques réserves.

Sacrifices est le titre original. Et ce mot suffit presque à résumer l'histoire.
Mikael et Beverley Lane vivent en compagnie de leur fils Chris dans une belle propriété des Newlands, une banlieue blanche et huppée du Cap. Au fond du jardin, ils hébergent leur bonne Denise Solomons et sa fille Louise. Le fils Lyndall, banni du foyer, est un toxico accroc au tik et converti depuis peu à l'islam. Un paumé de plus qui tombe à pic ce soir-là dans la propriété des Lane. Chris, abruti gonflé aux stéroïdes, vient d'assassiner une jeune fille et c'est Lyndall qui portera le chapeau. Pas question pour sa mère qu'il croupisse en tôle. L'affaire est pliée et liquidée par un mensonge de Blancs respectables. Lyndall crève en prison et Chris poursuit sa carrière de rugbyman.

Qui oserait remettre en cause leur témoignage ? Mais la culpabilité et le poids des mensonges, certains enfouis depuis longtemps, vont ronger Mike. Difficile de masquer la vérité à Louise avec qui il s'est parfois comporté comme un père. Difficile de manipuler la sœur de Lyndall qui comprend vite que son frère paiera le prix fort  pour protéger leur unique rejeton. Lyndall sera le premier sacrifice dans cette sale affaire. Au fil des pages, saison après saison, Louise s'acharne à rétablir la justice, à sa façon, celle que lui enseigne son père.
"Rappelle-toi, il y a une loi pour eux, les Blancs, et  une autre pour nous. " Alors ils doivent payer. D'une façon ou d'une autre. De sa main ou de celle du Destin, d'autres sacrifices suivront.

Desseins machiavéliques de la jeune femme bien décidée à faire payer le prix fort à Mike qui l'a repoussée quand elle était enfant et qui bafoue aujourd'hui son droit à la vérité. Une relation complexe les unit. Mais Mike, manipulé par sa femme Bev et son fils, est incapable de réagir.  Pourtant elle le poursuit, " elle a besoin de le voir, de voir la preuve de la souffrance qu'elle lui a causée."

Les points faibles de ce roman ? Sans doute des personnages parfois un peu trop stéréotypés - Bev, Tracy, la prostituée junkie et Achmat Bruinders -  mais Smith évite tout manichéisme. Noirs et Blancs s'alignent dans ce déferlement de violence et de médiocrité.  
Si on a également parfois le sentiment que le roman s'égare avec des personnages sans cohérence : la vieille voisine juive et son vieux chien Harpo, la pute qui fait chanter Mike, il finit par trouver sa voie et conduit vers un dénouement diabolique.

Ces aspects sont contrebalancés par une vraie force dans les descriptions de lieux et d'atmosphères rugueuses et tendues comme celle du township de Cape Flats ou celle de Long Street la rue cosmopolite du Cap. Sans parler des banlieues chics et verdoyantes où vivent des Blancs repliés derrière les "Electric fences " et les hauts murs de leur propriété nichées en contrebas de la Mountain Table. 
J'ai visité ce fabuleux pays tout récemment et j'ai retrouvé l'ambiance électrique de ces lieux. 

En tout cas, il est clair que la nation" arc en ciel " n'a pas accompli toutes ses promesses. Les "free born" les enfants nés après l'abolition de l'apartheid en 1994, espèrent et attendent beaucoup plus de ce pays, notamment d'en finir avec la justice à deux vitesses et avec la ségrégation sociale.

Convaincue  par ce roman, je ne manquerai pas de lire à nouveau les polars de Roger Smith.

Pièges et sacrifices, de Roger Smith, traduit de l'anglais (Afrique du Sud) par Elsa Maggion, Calmann-lévy, 2015






jeudi 14 mai 2015

Quelqu'un à tuer


"Quelqu'un à tuer" pour sauver deux vies imbibées de noirceur. Deux vies de mecs, celles de Arthur et Ignacio qui ne manquent pas de types à zigouiller, à commencer par eux-même, qui sait. Et pour cause ....
2014. Arthur est un mec paumé qui picole et qui glande. Pour enfoncer le clou, sa belle Suédoise vient de le laisser tomber, lassée de ce musicien raté sans ambition. Pourtant, elle l'avait aidé à enregistrer son premier album, elle y croyait, lui aussi un peu. Au final, leur couple se fracasse et Arthur se transforme en loque humaine. Pas question de trouver refuge chez sa mère, une communiste endurcie, qui ne lui a témoigné ni tendresse ni amour depuis son enfance. Elle le tient sans doute pour responsable du départ précipité de son père, un matin en douce alors que le gamin n'avait que deux ans. Il ne l'a jamais connu, alors qu'il aille le trouver maintenant. En Andalousie, un type, Ignacio Obregon, héros de la guerre d'Espagne, lui dira où le trouver. Il est temps de régler ses comptes avec son père.
1936. La guerre d'Espagne happe la vie d'Ignacio, une vingtaine d'années,  mineur comme son père dans un village minier d'Asturies, et communiste comme ces ouvriers, les gens du peuple. Avec son frère il est contraint de fuir son village, il laisse derrière lui sa mère et ses sœurs, et Candela celle qu'il a aimée. Ignacio s'engage sans concession dans le guerre civile. Sa lutte contre le franquisme sera impitoyable et ses actes de guerre, ses exactions en série,  lui vaudront à jamais respect et crainte.
Au bout de ce parcours chaotique, les deux hommes vont se rencontrer. Ils ont mené une vie exempte
d'amour car il leur a toujours filé entre les doigts. A cause de ceux qui les en ont privé : père et mère, oppresseurs du peuple, militaires, Franco et autres petits cons de passage. Les responsables ne manquent pas, alors Ignacio et Arthur ont tout plaqué pour partir à la recherche de "quelqu'un à tuer". Ils foncent, effrayés par leur propre image de salaud et de raté. Pourtant, leur quête ne se termine pas comme ils l'imaginent car en chemin ils font de belles rencontres qui les changeront à jamais et inconsciemment leur feront revoir leur jugement. Tout ne semble plus foutu.

Olivier Martinelli a écrit un roman noir. Un vrai avec pour décor la guerre d'Espagne (bien documentée d'ailleurs grâce à Michel del Castillo) marquée par la cruauté qu'elle engendre et les hommes qu'elle broie. J'ai été impressionnée par le personnage d'Ignacio, enragé et destructeur. Pourtant on sent que cette rage vacille, grâce à son petit frère et cet instituteur et sa femme que la guerre met sur son chemin. Au final, il s'agit bien d'un roman d'amour aussi, qu'il soit maternel, fraternel ou conjugal. Ces deux hommes sont également à la recherche de quelqu'un à aimer... J'ai apprécié ce road trip vers l'Andalousie et au bout de la route cette rencontre touchante et cinglante à la fois .

Olivier Martinelli aime la musique aussi, ça on le savait depuis la publication de ses derniers romans Une légende et La nuit ne dure pas. Il propose d'ailleurs des lectures accompagnées d'accords flamenco. Belle idée ! Je suis impatiente de les entendre. En attendant, lisez Martinelli !

Quelqu'un à tuer de Olivier Martinelli, la Manufacture de livres, 2015