mardi 1 novembre 2016

En douce



En douce est le dernier roman de Marin Ledun. J'avais été emballée par L'homme qui a vu l'homme en 2014, alors j'avais hâte de lire à nouveau un de ses romans. Noir, encore une fois. 

Emilie la battante
Dans la lignée des précédents, En douce explore le fond de l'âme d'Emilie, une femme frappée par la violence sociale et par la déshumanisation de notre société. A 35 ans, infirmière épuisée par son boulot, jolie fille qui aime plaire et qui en abuse, orpheline depuis quelques années, elle s'interroge sur le sens de cette vie qui ne la satisfait plus. Son destin bascule quand un accident de la route lui coûte une jambe, son boulot, ses amis, et les quelques repères auxquels sa vie se cramponnait encore... Laissant place à la colère, celle de ceux qui perdent tout, écartés de la société à cause de leur origine ou de leur handicap.
Emilie décroche alors péniblement un job pourri au chenil du coin, dans cette immense forêt landaise à l'abri des regards malsains de ceux que son moignon fascine et que sa déchéance dérange. Elle enrage de toujours subir, elle rumine, elle bouillonne jusqu'à ce jour où elle identifie l'origine de son mal : Simon, celui qui l'a percutée au volant de sa voiture. Il doit payer pour l'avoir dépouillée de tout. Alors elle observe sa proie durant des jours avant de le séduire un soir d'été, le conduire chez elle et le séquestrer après lui avoir tiré une balle dans la jambe. 

Huis clos étouffant
Marin Ledun apporte un soin tout particulier au décor de ce huis clos oppressant : un chenil nauséabond et une caravane angoissante, isolés et cernés d'arbres de cette forêt sans fin et proche de la petite ville où erre Emilie. On s'imagine alors la suite de l'histoire mais Marin Ledun sait nous surprendre.
L'histoire n'est pas celle d'une "simple" séquestration orchestrée par une cruelle Kathy Bates (rappelez-vous le film Misery) landaise. Loin de là. Si elle enferme Simon, c'est pour lui en faire baver à lui aussi, le faire souffrir comme elle a souffert. Mais au final, Emilie orchestre une confrontation avec sa propre histoire, pour en changer le cours. Pour y parvenir, elle fonce dans le tas, quelque soit le prix à payer. Digne et honnête.

Entre polar et roman noir
Au fil des pages, le roman remonte le temps et retrace l'histoire désastreuse d'Emilie, et celle de Simon qui a continué de vivre comme si rien ne s'était passé sur cette nationale.  Marin Ledun choisit de décortiquer les travers de notre société moderne avec toujours autant d’âpreté. Une volonté qui se ressent dans son écriture. Un style sobre et dépouillé, ne laissant aucune place au jugement.

Un final flamboyant
La fin du roman est bouleversante, Emilie sort la tête haute, forçant l'admiration, et non plus la pitié. Enfin libre. 
Une histoire fulgurante. Un sacré bon polar !

En douce de Marin Ledun, éditions Ombres noires, 2016

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