jeudi 15 janvier 2015

Le polar sud-africain de Wessel Ebersohn

Depuis mes années au lycée, l'histoire de l'Afrique du Sud m' a toujours beaucoup intéressée. Une séance scolaire au cinéma pour visionner le film Cry Freedom de Richard Attenborough en 1987 en est à l'origine. Depuis je n'ai pas lâché l'affaire... Et le roman policier permet une véritable intrusion dans l'histoire de ce pays. Deon Meyer et Roger Smith l'ont  prouvé à plusieurs reprises. L'alliance des deux est parfaite.

Je ne connaissais pas Wessel Ebersohn, pourtant trois romans ont déjà fait de lui un digne représentant de la littérature policière sud-africaine : Coin perdu pour mourir en 1979, La nuit divisée en 1981, et Le Cercle fermé en 1990. Il met alors en scène Yudel Gordon, un psychiatre juif affecté au service des prisons pendant les années de l'apartheid.

La tuerie d'Octobre publié en 2011 marque le retour de Yudel Gordon.
Le 22 octobre 1985, dans une ferme du Lesotho, Abigail Bukula assiste à l'âge de quinze ans au massacre de ses parents et de militants anti-apartheid au cours d'un raid organisé par un commando blanc. Elle doit la vie à un jeune soldat, Leon Lourens. Bien des années plus tard, Abigail devient haut fonctionnaire du nouveau gouvernement sud-africain, une fonctionnaire bien en vue au ministère de la Justice. C'est alors que Leon Lourens lui demande de l'aider car il se sent menacé. Chaque année, le 22 octobre, un membre du commando est assassiné. Ne restent que lui et Marinus Van Jaarsveld le chef  du commando militaire qui croupit en prison. Lourens prétend que le gouvernement cherche à régler ses comptes. Pourtant, rapidement, cette hypothèse est écartée.
Consciente de le dette qu'elle doit à ce soldat, Abigail se retrouve alors confrontée à ces vieux démons, le souvenir de l'horreur vécue au Lesotho et les évènements qui ont suivi dans la prison où était emprisonnée la poignée de survivants au massacre. C'est alors qu'elle fait appel à Yudel Gordon pour l'aider à mieux cerner le véritable assassin et l'arrêter à temps. Le psy l'aidera également à affronter des souvenirs insoutenables confinés au plus profond de son âme.

Voilà en quelques mots la trame de ce roman. Bien menée même si la première partie me semble un peu lente et le récit peine à se mettre en place. Dommage.

Mais Wessel Ebersohn s'attache surtout à décrire l'évolution de ce pays sous de nombreux aspects, à la fois avec beaucoup d'admiration -  quand il évoque le nouveau gouvernement multiraciale, (avec la présence de femmes noires), la brève rencontre avec Mandela - mais également avec beaucoup de dépit. Violences et criminalité croissantes, corruption de fonctionnaires, pauvreté des townships - que les Noirs d'Afrique du Sud n'ont pas eu les moyens de quitter - démontrent les difficultés à se répartir équitablement les parts du gâteau, au lendemain des premières élections. Encore aujourd'hui,  le combat se poursuit pour l'égalité des différentes communautés.

Wessel Ebersohn évite surtout les poncifs manichéens. Tous le noirs n'étaient pas bons - petit rappel des expéditions punitives dans les townships contre les traîtres noirs sous le régime de l'apartheid - et les blancs n'étaient pas tous des salauds cruels et en faveur de l'apartheid.
Il rappelle également que, depuis les élections démocratiques, cette nouvelle nation est loin d'avoir réglé tous ses comptes avec son passé.... Certains anciens "maîtres" convoqués devant le commission Vérité et Réconciliation sont à nouveau placés sur les plus hautes marches du pouvoir.

Bref, une écriture intelligente avec un arrêt sur images critique sur l'Afrique du sud contemporaine. Malgré tout, Wessel Ebersohn semble avoir foi en l'avenir de ce pays.

La Tuerie d'octobre, de Wessel Ebersohn traduit de l'anglais (Afrique du Sud) par Fabienne Duvigneau, Rivages/noir, 2014




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