lundi 20 octobre 2014

"Ainsi hallucinait Zarathoustra"

Etre ou ne pas être , tout commence ainsi.  
"Je m’appelle Alper Kamu et j’ai fêté mes cinq ans. A l’approche de mon anniversaire, j’ai passé le plus clair de mon temps posté à la fenêtre, à observer les gens au-dehors. Ils traversaient la vie tantôt accélérant, tantôt ralentissant, et émettaient toutes sortes de bruits, le regard sans cesse en mouvement. J’étais malade à l’idée qu’un jour je deviendrais l’un deux. Malheureusement, il n’y avait aucune autre issue possible ; le temps s’écoutait, inexorable, et je vieillissais vite."

 Alper Kamu est un gamin stambouliote de 5 ans. Rien de bien particulier jusque là. Sauf que, à l'heure où les enfants sont presque au lit avec leur doudou, lui traîne encore dans la rue ! Il est alors le témoin indirect de l'assassinat de son voisin Hicabi Bey, vieux flic à la retraite. Ertan le Timbré regarde la télé paisiblement à côté du cadavre. L'idiot du quartier tombe à point nommé pour les flics chargés de l'enquête. Il n'en fallait pas plus pour l'accuser du meurtre. Mais c'est sans compter sur Alper, qui décide de résoudre l'affaire. Il s'arme de son revolver en plastique (!)  un Dallas Gold, sèche l'école et part arpenter son quartier d'Istanbul de long en large, et de bas en haut ! Finalement ce sale gamin aura raison de cette affaire, (il en trouve la clé dans un rêve, après avoir ingurgité des champignons hallucinogènes...!)  au nez et à la barbe des flics de la ville.
Hallucinant, non ?

L'histoire de ce gamin ultra précoce et surdoué, "Sherlock" des bacs à sable, parait peu crédible mais, très vite, on se laisse happer par son récit, et on en oublierait presque que Alper n'a que 5 ans. Même si parfois on le retrouve sur les terrains de foot avec ses copains de 8 ans, ou au beau milieu d'une castagne avec une bande du quartier voisin. Ce gamin a bel et bien une tête à claques, avis partagé avec la police locale et le patron de son père ! Quel personnage ! Admirateur de Chostakovitch, Shakespeare Nietzche, J.J. Rousseau, il est aussi amoureux de Alev Abla sa jolie voisine de 20 ans.
On rencontre aussi des personnages tout aussi attachants : femmes fatales, petit épicier turque philosophe, gardien d'usine dur à cuire qui complètent un belle description de la ville d'Isatnbul. On y découvre également un autre visage de la mégapole turque : corruption de fonctionnaires, magouilles en tout genre, justice malmenée.
Au final, c'est un petit polar léger, surprenant surtout, et  franchement très drôle ! Alors pourquoi bouder ce plaisir ?!
Merci tout particulier aux éditions Mirobole (j'avais déjà chroniqué sur "Les impliqués" sur ce blog) qui nous entraînent à chaque fois en terre inconnue du polar (Pologne, Turquie).

 L'assassinat d'Hicabi Bey, Alper Kamu, cinq ans, détective de Alper Canigüz, traduit du turc par Célin Vuraler, Mirobole éditions, 2014

jeudi 9 octobre 2014

Le lecteur de cadavres

Si vous êtes amateur de récits historiques plantés au cœur de la Chine du XIIIe siècle mettant en scène des personnages qui subissent les pires déconvenues, mais au destin incroyable, et que le roman policier vous plaît alors voilà un roman pour vous !

Ci, jeune homme d'origine modeste, voit son enfance anéantie en quelques jours : son frère accusé de meurtre est emprisonné, l'incendie de sa maison cause la mort de ses parents et mis en cause dans une sombre arnaque, il est contraint à la fuite.. Un long voyage riche de mésaventures le conduira avec sa petite sœur malade à Lin'an capitale de l'Empire. Il espère entrer à l'université où il souhaite étudier. Plans contrecarrés quand il apprend que son père a déshonoré la famille, toutes les portes lui sont alors fermées. Il deviendra alors " fossoyeur de la mort" dans un des cimetières de la ville. Devenu expert dans l'art d'examiner les morts, il intègre l'académie Ming. Il semble alors toucher son rêve. Brillant élève, il est repéré par l'empereur qui le sollicite pour élucider une série d'assassinats qui menacent l'Empire.

Difficile de résumer ce gros pavé de 700 pages... Jalonné de rebondissements à foison : Amour et trahisons, déconvenues (quel malchanceux !) et complots, mais aussi roman d'aventures et d'apprentissage.


Voilà l'histoire plus ou moins romancée du premier spécialiste de médecine légale le précurseur de l'autopsie des Experts Manhattan, Song Ci. Car c'est effectivement en Chine que l'on retrouve les premiers textes évoquant la pratique de la médecine appliquée à des enquêtes. A l'époque, ces méthodes allaient à l'encontre des règles du Confucianisme qui interdisait l'ouverture des corps. Ci joue de ses talents de fin observateur pour élucider ces morts, ce qui s'apparente pour certains à de la sorcellerie.

L'intrigue de ce roman policier est plutôt légère, on devine rapidement qui est le traître et le final est sans surprise. Dommage. L'intérêt du livre repose plutôt sur l'Histoire de la Chine médiévale. La cour impériale les courtisanes appelées Fleurs, les eunuques, les règles de la cour, les invasions chinoises, la famille, l'éducation des garçons, la place des filles et des femmes. Et surtout le système judiciaire chinois et la façon dont était rendue la justice. L'usage de la torture y était monnaie courante et la justice impitoyable.

Roman intéressant mais je reste sur ma fin : intrigue trop prévisible, prétexte malgré tout à une page d'histoire chinoise très richement  documentée.

"Le lecteur de cadavres" de Antonio Garrido, traduit de l'espagnol par Nelly et Alex Lhermillier, Grasset , 2014