
Dès les premières pages on connait l'identité du meurtrier. En 1999, Antoine, un gamin ordinaire de douze ans tue Rémi, un enfant de six ans. De rage, pour une histoire de chien. Dans le décor d'une forêt du Jura, il dissimule le cadavre. Personne ne l'a vu, il en est convaincu. Les faits sont là, incroyablement simples et déroutants.
Comme Antoine ne veut pas faire de peine à sa mère qui surement en mourait de honte dans ce petit bourg de province où tout le monde se connait, il décide se taire. A tout jamais.
Le criminel se place au centre du roman. L'enquête est secondaire, d'ailleurs avec le temps et les événements, et en l'absence d'indices, on la relègue rapidement. C'est d'une cruauté implacable et le portrait de l'enfant disparu jaunit avec les années dans les vitrines des commerçants.
Ne reste que Antoine, avec sa culpabilité. Comment ce gamin va-t-il vivre avec ce poids sur la conscience dans ce village, avec pour voisins la famille de Rémi ? Comment survivre avec cette détresse et cette angoisse qui le submergent rapidement puis, au fil des années, qui s'enfouissent au plus profond de sa vie de jeune adulte, refaisant surface au cours des rares visites qu'il fait à sa mère ? Comment un instant dans la vie d'un enfant sans histoires le transforme
en meurtrier, en piètre lâche, mais comment s'en sortir seul quand on a
douze ans... même si il suppose que d'autres connaissent son secret et
lui accordent leur protection tacite.
La fuite et le mensonge, voilà la solution qui s'imposera à lui tout au long de sa vie.
Le dénouement en 2015 nous soulage d'un poids, celui-là même qu'on a
porté tout au long du roman. Le poids de la culpabilité et cette
tristesse envahissante devant la vie ratée d'Antoine
Ecrire un roman post-Goncourt n'est pas chose facile (une nouvelle parfaitement ciselée aurait fait l'affaire peut-être...) mais largement à la portée de cet auteur qu'il ne faut plus lâcher.
Ouf, Lemaitre garde encore le roman noir et policier au centre de ses préoccupations. Et encore une fois, il présente un tableau peu reluisant de la vie de province, avec quelques personnages détestables.
Maintenant j'attends avec impatience la suite de la trilogie entamée avec Au revoir là-haut ...
Trois jours et une vie de Pierre Lemaitre, Albin Michel, 2016